Une visite révélatrice Svetlana & YariloLes nouvelles vont vite. J'avais entendu dire par l'intermédiaire d'un collègue sorcier qu'il y avait un herboriste de premier choix pour nous, sorciers wiccans, qui se trouvait à Moscou. Ma curiosité avait été piquée à vif parce qu'il est vrai qu'il est parfois délicat et difficile de trouver les ingrédients aux potions et aux enchantements d'objets. Alors rien qu'à l'idée d'avoir un herboriste privé à Moscou me réjouissait. Je remerciais cet ami de m'avoir laissé entendre cela parce que pour une fois, j'étais assez contente. J'avais donc attendu que mon stock d'ingrédients s'était relativement bien écoulé avant d'aller en acheter d'autres pour essayer ceux que l'herboriste inconnu vendait.
Selon mes informations, ce vendeur était dans le quartier de Zamoskvorechie, je ne connais pas encore bien Moscou mais avec une recherche internet etc, j'avais rapidement trouvé mon chemin. Il faut dire que je ne vais pas souvent ailleurs que dans mon quartier, parce que je ne suis pas très douée en ce qui concerne l'orientation, heureusement que j'avais mon mobile avec moi pour me guider, même une carte ne me suffit pas. Il me faut être accompagnée. Une longue marche débuta, il était en fin d'après-midi et j'avais fini mon travail en tant que libraire, j'allais pouvoir me consacrer à ma vie de sorcière et surtout faire la connaissance de cet fameux herboriste. Le soleil était encore présent dans le ciel même s'il ne restait plus beaucoup d'heures avant qu'il ne se couche pour laisser place au magnifique astre lunaire.
Une fois devant la devanture de l'herboriste, je toque à la porte avant d'entrer. Tout de suite, je sens une odeur familière, quelque chose qui m'interpelle et me rappelle ma nature, l'encens, la pureté de la nature. Je suis émerveillée et je salue donc, la personne qui se trouvait dans la pièce, je devine que c'est très sûrement l'herboriste, ou pas du tout. J'ignore vraiment où est-ce que j'ai mis les pieds, comme je ne sais pas trop comment me présenter, je préfère opter pour une formule de politesse simple, basique, qui est conventionnelle et appréciée.
- Bon...jour, je suis une nouvelle venue parce que l'on m'a parlé de vos articles que vous vendiez. Je suis donc intéressée par ceux-ci.
Avec du travail et de la patience, j'avais fait de ma maison du quartier de Zamoskvorechie un petit nid douillet à mon image. Étrange ironie que je doive remercier le gouvernement pour cela. Grâce à leur lois restrictives envers les humains les forçant à partir s'installer dans le quartier de Krasnopresnenskaya, j'avais pu m'installer dans cette demeure inoccupée pour en faire mon jardin secret sans rien demander à personne. Mon pouvoir avait peu à peu laissé sa marque sur cette maison certes petite mais élégante. La végétation était désormais omniprésente, la Nature reprenant possession de l'espace. Un parfum printanier et envoûtant embaumait l'air. Quant à moi, je prenais mes aises dans ce petit domaine citadin qui me rappelait un peu les belles forêts et la campagne russe. La première chose que je faisais lorsque je rentrai chez moi, c'était d'enlever mes chaussures afin de pouvoir rester tranquillement pieds nus. Dans la capitale de cette Russie qui avait bien changée, je menai une vie de bohème. J'avais néanmoins trouvé un travail de botaniste qui me plaisais au Muséum d'Histoire Naturelle. De plus, afin d'arrondir les fins de mois et pour garder un lien fort avec les sorciers, je me faisais aussi herboriste pour leur vendre ingrédients pour potions et rituels. J'opérais ce petit commerce en vendant sous le manteau ou bien tout simplement depuis chez moi. En cette fin d'après midi, j'étais à l'étage en train de consulter un ancien herbier confectionné par une fidèle adoratrice décédée il y a longtemps. Lorsque tout à coup mes sens se mirent en éveil. Une personne montait les quelques marches qui séparaient le trottoir de ma porte d'entrée. Curieux, je me précipitais à ma fenêtre. Je vis une longue crinière de feu, une présence que je n'avais encore jamais rencontré auparavant. Si en apparence la jeune femme était une humaine comme les autres, mes yeux divins voyaient par delà l'enveloppe charnelle pour discerner les auras. Et cette femme avait de la magie en elle, c'était évident. Heureux à l'idée d'avoir de la visite, je descendis les escaliers pieds nus en direction du rez de chaussée. Un léger signe de main tout en usant instinctivement de télékinésie et je déverrouillai la porte à distance pour permettre à la jeune femme d'entrer.
Je pris place dans le salon, pièce qui me servait également de boutique improvisée et informelle. La jeune femme entra et je pouvais sentir sa timidité dans son attitude et dans ses gestes. Je souris, curieux de savoir ce qu'elle penserait de ma apparence de lycéen russe. Après tout, d'habitude quand on pense à un herboriste on imagine un vieux bouc plein de sagesse et non un jeune homme d'environ dix-huit ans. Et en plus d'en avoir l'âge apparent, j'en avais la dégaine. Je maintenais l'art de la coiffure subtilement décoiffée et je portais un t-shirt et un jean tout ce qu'il y a de plus basiques. Les manches courtes de mon haut laissaient cependant voir les anciens tatouages chamaniques sur mes bras finement musclés. Mon regard plongea dans le sien et immédiatement mes facultés télépathiques détectèrent un émerveillement sincère chez la nouvelle venue pour l'atmosphère de la maison. Voilà qui était bon signe.
- Bonjour et bienvenue ! Ravi de voir que le bouche à oreille fonctionne encore de nos jours. lui dis-je avec bienveillance. Puis en haussant un sourcil - Quel type de magie pratiquez-vous ?
Simple question pour la forme. Je me doutais que j'avais en face de moi une sorcière wiccane. Je ne détectais pas la présence de magie noire dans son aura. Si ma spécialité était en effet dans les arts wiccans, je n'aurais pas refusé une cliente sorcière noire. J'étais une divinité qui pouvait jouer sur les deux tableaux. Mes célébrations d'autrefois pouvaient donner lieu à des festivités joyeuses et dansantes comme à des sacrifices sanglants. J'étais certes un dieu bienveillant à la base, mais peu savaient que j'avais reçu l'enseignement du dieu des Enfers du panthéon slave, et les plantes pouvaient tout aussi bien guérir qu'empoisonner après tout... La puissance était de la puissance, qu'elle que soit sa couleur, blanche ou noire. Ce qui importait vraiment, c'était l'utilisation que l'on en faisait. Perdu un instant dans mes souvenirs, je revins cite à la réalité.
- Désolé je manque à tous mes devoirs d’hospitalité ! Vous pouvez vous asseoir je vous en prie. Désirez-vous une tasse de thé ? Je confectionne les mélanges moi-même. Nous pourrons ainsi discuter plus tranquillement des articles dont vous avez besoin qu'en dites-vous ?
Une visite révélatrice Svetlana & YariloJe reconnaissais ses odeurs douces et délicates, je me sentais bien à l'heure actuelle, bien que je n'étais pas chez moi, la senteur de la maison m'en donnait presque l'impression. Mes sens sont en alerte, comme si quelque chose pénétrait mon corps et mon âme. L'herboriste doit vraiment aimer la nature pour avoir autant de verdure chez lui, je ne vois que cette explication ! En découvrant d'ailleurs ce dernier, il n'était pas du tout comment je l'imaginais, mais un vendeur reste un vendeur, quelque soit son physique ou son âge. Je souris agréablement au garçon qui se trouvait face à moi, prenant la parole la première pour me saluer face à lui. Histoire de débuter l'entrevue d'une bonne manière, je dirai. Ce qu'il était charmant ce jeune homme, je me demanderai presque pourquoi il avait choisit d'être herboriste pour sorciers. Mais je m'égare dans mes pensées, pensées que je ne devrai absolument pas avoir. Je balaie dans mon esprit mes songes perdus avant de replonger mes yeux dans celui de cet homme. La première question qu'il me posa fut mon type de magie. Je regarde autour de nous, - parce que oui, je déteste avouer aux personnes que je suis une sorcière, seul Meleti avait pu entendre ça -, afin de m'assurer que personne d'autre ne le saurait. De toute façon je n'ai pas vraiment le choix de lui dire ma magie, sinon comment peut-il me conseiller ?
- Le bouche à oreille marche pour des tas de choses, vous savez ? En ce qui concerne ma magie... j'utilise la magie blanche et l'héritage wicca.
Les débuts de ma librairie avaient été aussi convaincants parce que le bouche à oreille fonctionne encore. Donc je ne peux qu'assurer cet herboriste que ça marche. Cela avait marché pour moi, pourquoi pas pour lui ? Dans notre société, de nos jours, il faut toujours savoir se méfier et s'entourer des meilleures personnes qui ne vous vendrons pas, et pour les sorciers, avoir un bon fournisseur est un bon point. Personnellement, je serai vraiment ravie de ne plus devoir aller chercher moi même mes ingrédients. Sachant qu'en plus, de plus en plus de personnes me demandent des enchantements pour leur attirer le bonheur, la chance ou même les protéger des créatures surnaturelles, alors j'ai besoin de stocks pour réaliser mes rituels. Finalement, le jeune homme bien habillé, - pour moi oui et alors ? -, vient me proposer de m'asseoir en m'offrant le thé. Je m'approche alors pour m'asseoir et lui répondre d'une manière bienveillante :
- Merci. Oui, pourquoi pas un thé ! Cela me réchauffera un peu, il fait un peu froid dehors. Je serai curieuse de goûter vos mélanges, cela doit être unique, j'imagine.
En amatrice de thés, je ne peux qu'apprécier son initiative à confectionner lui même ses thés. Je suis presque en admiration, parce que je ne suis pas très douée en la matière, je préfère largement goûter et régaler mes papilles plutôt que de rater et d'en être déçue. Mon regard vient se poser sur le garçon, observant ses gestes et par curiosité encore une fois, je me mets à tourner mes yeux sur tout ce qu'il se trouvait sur cette maison. C'est d'une voix timide et surtout un peu honteuse de demander ça que je lui pose la question :
- Vous... vivez ici ? Vous n'avez pas votre propre boutique à vous ? En tout cas, je suis vraiment émerveillée devant autant de végétation, j'aime aussi la nature mais chez moi je n'ai pas tant que ça de verdure, malheureusement.
Une pensée aussi légère qu'une pétale de rose interceptée dans l'esprit de mon interlocutrice... Elle me trouvait charmant. C'était souvent l'impression que je renvoyais, de manière volontaire avec mon apparence juvénile, ou bien par mon attitude. Pourtant sur le fond je n'avais pour le moment rien dit d'autre que des banalités polies accompagnées d'un sourire accueillant. En effet par nature je devais être aussi charmant que la saison dont j'étais l'incarnation. Même si certains s'en mordaient finalement les doigts après avoir appris à mieux me connaître... La jeune femme confirma ensuite ce que je savais déjà. Elle était une utilisatrice de la magie blanche et de l'héritage wicca. Je rompis le contact oculaire pour regarder au loin, me perdant quelques instants dans mes réflexions.
- C'est bien ce qu'il me semblait... Vous ne ressemblez pas à une sorcière noire. Enfin y a t'il vraiment une dégaine propre aux utilisatrices de la magie noire ? Je ne pense pas. Ce serait une question pour les philosophes...
Par tous les Dieux ! Lorsque l'on a plusieurs milliers d'années (voire millions d'années) au compteur on a bien le droit de divaguer un peu non ? Dans mon cas je ne perdais pas la boule, j'avais même l'esprit toujours aussi vif. Mais parfois je devais avoir l'air d'être hors du temps et en déconnexion vis à vis du monde. Voilà que dès les premières secondes j'étais certainement catégorisé comme un original aux yeux de la jeune femme. Je passai une main dans mes cheveux pour les remettre un peu en ordre, obtenant plus ou moins l'effet inverse mais peu importe. Le fait que ma nouvelle cliente trouvait qu'il faisait froid dehors m'arracha une expression pleine d'empathie. Les derniers affres de la saison hivernale de ma "très chère" sœur Morana faisaient encore leur oeuvre. Mais ma saison arrivait et avec elle les jours meilleurs.
- Vous verrez il n'y a rien de mieux pour vraiment se réchauffer. J'ai justement un nouveau mélange tonifiant qui fait des merveilles ! D'ailleurs je vous mets au défi de deviner quelles plantes sont utilisées !
Tout content de voir que mes compétences éveillaient son intérêt, je me précipitai dans la cuisine adjacente pour mettre l'eau à chauffer. Laissant l'eau sur le feu, je revins ensuite dans le salon pour sortir le service à thé du buffet. Tout ceci n'était pas à moi à la base mais aux humains anciens propriétaires qui avaient été chassés de leur maison. Tant pis au moins ces objets servaient encore c'était l'essentiel. Tout en continuant de m'activer je répondis aux questions de la jeune femme en lui lançant des regards espiègles.
- Oui je vis ici tout seul. Et non je n'ai vraiment pas les moyens d'avoir ma propre boutique. Ça ne me dérange pas, j'aime bien vendre à mon domicile, c'est plus intime et chaleureux je trouve. D'ailleurs ce n'est même pas mon métier à plein temps, je suis botaniste au Musée d'Histoire Naturelle. Vous y êtes déjà allée ?
Je fis enfin un énième retour dans le salon mais cette fois ci avec la théière en main. A l'intérieur, la magie des arômes était à l'oeuvre. Les compliments de la jeune femme envers mes plantes furent ses paroles qui me touchèrent le plus. Le végétal était ce que j'avais de plus pur dans ma vie et mon âme. Je répondis de manière sincère et humble.
- Je vous remercie ça me touche beaucoup. Pour le garçon de la campagne que je suis toute cette végétation me rappelle de belles années dans les immensités vertes des champs et des forêts. Que voulez-vous c'est mon petit côté sentimental qui parle !
A force d'avoir vu mes serviteurs de l'ancien temps me servir le thé, je savais également faire une traditionnelle cérémonie du thé à la russe. Dans la tasse de mon invitée coula le précieux liquide ambré. Je me servis ensuite une tasse et m'assis dans un fauteuil en face d'elle.
- Et si maintenant vous me disiez en quoi puis-je vous être utile ? De quels ingrédients avez-vous besoin ?
Je fermai ensuite les yeux pour sentir la multitude de parfums qui se dégageaient de ma tasse de thé...
