❝ tell me more, tell me more. Mi-mars 2018 ❞Welcome backLes choses changeaient, à nouveau. J’avais un nouveau protégé sur les rails désormais, tellement sur les rails que parfois je pouvais voir ses oreilles de lycans s’agiter de contentement sur la tête… De puis que Odin Thorson était arrivé sur le territoire Russe, je découvrais un Aleksei transformé. La magie des âmes sœurs était assez puissante pour cela… J’en étais heureux. Il semblerait même qu’ils aient tous les deux déjà officialisé cette relation – si je pouvais trouver cela assez rapide, il n’en restait pas moins que j’avais tout de même l’envie de rencontrer cet homme. Car Aleks était parti à Copenhague une bonne semaine avec lui, mais si je connaissais son visage, c’était uniquement grâce à ces photos qui décoraient l’appartement qu’il habitait. J’étais patient, très patient, ne vous y trompez pas ! Simplement… J’étais attaché à mon protégé. Je me plaisais à penser que j’avais été utile dans sa vie, j’aimais cette importance que je pouvais avoir, et je voulais tant préserver cet amour que je m’étais refusé à parler de mes… Ennuis.
Depuis son départ en voyage, j’avais pu obtenir de lui des SMS quotidien, me signalant d’une part qu’il était toujours en vie – ce qui n’était pas négligeable – et d’autre part que tout allait bien. Cette attention était tout ce dont j’avais besoin, ne voulant pas non plus trop m’immiscer dans sa vie, qui avançait tranquillement. Mais à présent qu’il était rentré… Je ne m’étais pas privé de lui envoyer un message pour lui proposer de discuter un peu, entre amis, autour d’un poulougar – cette ancienne boisson datant de l’époque de Pierre le Grand, faite à partir d’alcool de pain brûlé et évaporé. Je l’appréciais, et j’aimais la partager avec lui.
Non pas que j’avais quelque chose de particulier à dire, juste, écouter ce qu’il allait me raconter, sourire en buvant mon verre, apprécier le moment de détente, tandis que j’avais cette enquête particulièrement compliquée sur les bras, qui me touchait personnellement. Je n’étais pas de ceux qui se laissaient envahir totalement par une affaire, mais parfois… C’était plus difficile.
Quand j’entendis enfin la porte s’ouvrir, puis se refermer, je retins mon premier réflexe, qui était de me retourner comme un enfant le ferait, pour me lever patiemment récupérer la bouteille au coffre dédié aux alcools. De toute façon, Aleksei savait parfaitement qu’il pouvait entrer comme s’il était chez lui – ce qui était un peu le cas finalement. Il avait encore les clés, il avait passé beaucoup de temps ici au point que j’étais certain qu’en fouillant un peu, je retrouverais de ses affaires.
« Bonsoir, Aleksei. Tu as pu faire bon voyage pour rentrer ? »
Je le savais déjà évidemment : j’avais eu mon SMS en bonne et due forme. Cependant, c’était une façon comme une autre de saluer un ami que je n’avais pas vu depuis… Oh, tout juste quelques jours en réalité. Et en attendant cette réponse qui ne devrait pas tarder, je fis le service dans deux verres, que je disposai sur cette table basse au milieu de mon canapé en tissu et des deux fauteuils assortis. Je m’installai comme d’habitude sur le fauteuil qui était le plus proche de la baie vitrée me montrant l’extérieur, les jambes ramenées sous moi, avec un léger plaid sur mes épaules. Ce n’était pas que j’étais frileux, simplement j’étais tout simplement amoureux de cette texture qui avait le don de me rendre… Bien. Juste bien, détendu, le tout combiné avec mes vêtements d’intérieur en pur coton – le genre de détails qui faisaient de moi un métrosexuel, et qui faisaient aussi rire mon vis à vis. 2981 12289 0
❝ tell me more, tell me more. Mi-mars 2018 ❞Welcome backEvidemment que le voyage avait été magique. Cela se voyait à ses traits particulièrement détendus, à cette embrassade qui commençait juste à ne plus vraiment me déranger, et puis à sa réponse, logiquement. De toute façon, c’était facile de deviner qu’il voulait tout raconter, par le menu, chaque brique vue, chaque mot qu’il avait partagé avec Odin. Il était installé pour, à être totalement affalé sur le fauteuil. Comme une vision de la routine que j’avais partagée durant quelques mois avec Alekseï, un déjà-vu qui faisait du bien. D’ailleurs, après le service, il commença à décrire ce voyage, comme magique. J’en eus un sourire, évidemment. Il s’agissait d’un voyage avec une âme-sœur, et s’il y avait bien une chose avec celles-ci, c’était que tout devait être d’une dimension supérieure, comme un pallier de conscience nouvelle. Où les yeux voyaient de nouvelles choses dans du vieux. Je n’en connaissais que la théorie, autrement dit pas grand-chose, cependant, c’était comme savoir qu’avec de l’alcool, la tête finirait par tourner. C’était logique, implacable. Une Vérité, avec le grand V. Une vérité qui offrait une véritable renaissance, j’avais du mal à trouver en cet homme celui qui était si proche de se jeter en l’air. En réalité, c’était comme s’il avait formaté son esprit perdant ce qui était négatif pour se plonger la tête la première dans les bras de Siwa, déesse de la vie et de l’amour, entre autres choses.
Je n’étais pas de ceux qui adressaient énormément de prières, cependant, j’avais presque envie de lui glisser deux mots. Même s’il était probable qu’elle n’y soit pour rien, cette douce Siwa. Juste… Juste comme ça.
Cependant, voilà qu’il se remit à soupirer, et je m’attendais à des détails, à une petite histoire d’amour par procuration quand il s’arrêta pour parler de moi. Oh… Hé bien, si je m’attendais à ce que je vienne sur le tapis – l’amitié, c’est s’intéresser à l’autre, bilatéralement – je n’aurais pas cru que cela arrive si vite. Je n’avais pas été pressé, car je ne voulais pas inquiéter Alekseï avec mes ennuis, avec la disparition de Meleti. J’ignorais ce qu’Aleks pensait de mon employé, à vrai dire, je ne m’étais jamais posé la question, ne les réunissant pas vraiment dans mon esprit, cependant je savais qu’ils ne s’étaient pas tant croisés que ça, Meleti n’y ayant pas vraiment vu de l’intérêt – enfin, je supposais.
J’étais un elfe noir, un être donc incapable de duperie par le mensonge. Cela était purement physiologique, un mensonge n’était pas possible. Cependant, des vérités pouvaient être énoncées de façon que je puisse laisser Alekseï profiter de cet état de bonheur permanent, qui me faisait tant plaisir à voir. Je pouvais déguiser la réalité avec quelques évictions, des non-dits. Je n’excellais pas particulièrement dans cet art, cependant je comptais sur le fait que mon ami soit totalement ailleurs pour réussir ce que j’appelais dans mon for intérieur un méfait. C’était parti pour choisir très, très soigneusement mes mots.
« Tu n’es pas obligé de te censurer sur ton récit… Je suis certain que tu en as envie. »
C’était une façon de faire comme si rien n’était plus important – et c’était le cas, en y regardant bien. La préservation de sa bulle était le but de mes cachotteries, après tout.
« Je ne vais pas trop mal, beaucoup de travail. Cependant, rien qui ne requière particulièrement des super-sens de super-lycan. »
Je laissai même échapper un petit rire quant à sa description de super-héros. Car c’était cela qu’il disait, il était un super-héros. J’appréciais cette vision de sa condition, bien différente de celle qu’il avait encore à peine un mois plus tôt, bien qu’elle soit particulièrement américanisée. Enfin, les Américains pouvaient bien avoir une minute de gloire tant qu’ils aidaient Alekseï à se sentir bien dans sa peau. Cependant, je n’étais pas super-satisfait de mes mensonges. J’avais bien trop esquivé, été bien peu loquace. J’aurais peut-être dû insister pour l’embaucher, cependant, il y avait un risque ténu qu’il accepte, et je ne pouvais pas le prendre. Pas maintenant. Tant pis. J’allais rattraper le coup. Après tout, il y avait bien une chose que je voulais.
Des photos.
Je n’avais jamais quitté la Russie, en deux cents ans d’existence. Pourquoi ? Je n’en savais fichtrement rien. Aucun réel intérêt là-dedans, certainement. Cependant, j’aimais les photos des lieux d’ailleurs, j’aimais ces yeux qui se figeaient sur un endroit bien précis et l’immortalisaient. Tant que ce n’était pas ma personne, j’aimais. Alors, je réclamai tout simplement :
« J’espère pour toi que tu as pensé à utiliser ton appareil photo… Histoire que je ne te l’ai pas donné pour rien. »
Je l’avais prévenu après tout que j’allais être particulièrement intéressé, avec ce présent. 2981 12289 0
❝ tell me more, tell me more. Mi-mars 2018 ❞Welcome backPlus Alekseï demandait si j’allais bien, moins je me sentais à mon aise. Le mensonge n’était vraiment pas mon for, non, vraiment. J’avais toujours la possibilité de me taire, simplement, j’étais face à un ami qui s’inquiétait sincèrement pour moi, de la même façon que je m’inquiétais pour lui lorsque je sentais une onde négative. N’avait-on pas idée de dissimuler des choses si importantes, quand bien même on voudrait protéger la bulle de bonheur d’une personne chère ? Mais je continuai malgré tout, car j’étais ce qu’Aleks appelait une tête de mule – pour rester poli. Je ne fis que répondre un vague :
« C’est difficile de me gaver, tu le sais bien. »
Simplement je fis comme si j’oubliais de répondre à la seconde. Car la réponse honnête aurait été « non ». Je ne suis pas sûr, car je sais que je ne vais pas au mieux. Que Meleti manque très sincèrement dans mon paysage de vie, que je m’inquiète pour lui comme je m’étais inquiété pour mon lycanthrope au début de notre amitié. L’inquiétude… Emotion qui pouvait paralyser bien trop de choses. Enfin, au moins je pus mettre les photos sur le tapis, voulant réellement voir Copenhague. Je n’avais jamais mis le moindre pied hors de Russie, n’y voyant pas vraiment d’intérêt. Surtout qu’avec l’avènement d’internet, de la télévision haute définition et autres moyens de communication, je pouvais être dans une jungle en Thaïlande tout en restant confortablement installé dans mon canapé.
Enfin, pour le moment j’allais surtout avoir droit à des vues sur une belle ville du Danemark sur le petit écran d’un appareil photo avec un Alekseï collé à moi. Il était bien l’un des rares à pouvoir faire cela, et plus le temps passait plus je me rendais compte qu’il était un véritable privilégié dans ma vie. Et je m’en ressentis encore plus coupable de mes mensonges par omission. Cependant, j’eus rapidement à me concentrer sur autre chose, à savoir les sentiments de mon ami après un retour aux « sources » si on pouvait dire. Il avait grogné, ne finissant pas sa phrase bien que je sache de quoi il parlait.
Cette ville, après tout, il y avait vécu beaucoup de choses. D’abord sa vie avec Odin, puis ce bouleversement quand il avait été mordu. Cela n’avait pas été simple de lui faire accepter sa nature, de tenter de le faire avancer. D’ailleurs, ce qui lui avait permis d’avancer était Odin, et c’était pour cet homme qu’il avait décidé de retourner dans ce pays. Parce que cet homme avait tout lâché pour retrouver son âme sœur, dans un pays dont il ne parlait absolument pas la langue, Alekseï avait fini par mettre légèrement de côté ses mauvais souvenirs afin de faire plaisir au demi-dieu qui en avait beaucoup fait.
Simplement, il n’en restait pas moins que les blessures étaient toujours là, et qu’Alekseï ne cicatriserait pas de sitôt. Enfin… Il était bien entouré, mon ami. Par Odin, et par moi. Bien que le gros du travail ne pût se faire que dans son esprit, avec le temps. Néanmoins, j’étais fier de lui, de sa capacité à mettre de côté ses mauvais souvenirs pour l’homme qu’il aimait, et je tenais à le lui faire remarquer. Alors, d’une simple pression de main sur son épaule, je transmis cette émotion-là, tout en regardant les photographies. C’était une belle ville, même si je devais avouer que le clou du spectacle dans cet album numérique était probablement les images du couple qui me donnaient un aperçu de ce que pouvait être l’amour entre deux êtres destinés l’un à l’autre.
« Il semblerait que ce fût quand même un beau voyage. En espérant que vous en ayez d’autres encore. Bien que je n’en doute pas… Tu as toujours aimé les voyages, n’est-ce pas ? »
On pourrait presque entendre « contrairement à moi » dans cette fin de phrase. Ce qui était vrai, ce n’était un secret pour personne. L’avion, une drôle d’idée ! Le train, impossible. Si je devais me déplacer quelque part, c’était par mes propres moyens. D’ailleurs, quand je retournais auprès de ma famille, c’était au volant de ma voiture, même si j’en avais pour des heures de trajet. 2981 12289 0
❝ tell me more, tell me more. Mi-mars 2018 ❞Welcome backLa vie de bohème était assez difficile à imaginer pour un elfe noir qui n’avait jamais réellement voyagé. A vrai dire, je n’avais même pas mis un pied hors de la Russie, jamais, en deux cent ans d’existence. Ce qui expliquait probablement pourquoi je ne parlais que russe, avec accessoirement un peu d’anglais à l’accent slave à couper au couteau, pour les rares occasions où je rencontrais des étrangers. Et nous n’en avions pas tant que ça, à vrai dire. Il fallait dire que l’ONU mettait un coup de pression à notre gouvernement afin qu’il respecte divers accords internationaux, à commencer par les basiques droits humains, et rien que cela, ça ne donnait pas spécialement à divers touristes de faire coucou chez nous. Et je n’avais jamais ressenti l’envie d’aller à la rencontre de ces autres étrangers. Les terres intérieures de Russie avaient bien assez de choses à voir pour aller me perdre ailleurs.
Enfin, cela ne m’empêchait pas d’admirer des photographies et d’apprécier la beauté de certains paysages dans la télévision, lorsqu’il m’arrivait de me réveiller devant un documentaire. Plusieurs fois je m’étais surpris à m’installer sur le canapé avec des dossiers, pour me coucher dessus, et être attiré vers le monde réel par cette voix toute particulière que les voix off prenaient pour décrire des montagnes enfumées par la brume du matin, et rester presque hypnotisé dessus. Enfin, je me concentrai à nouveau sur Aleks, qui m’expliqua qu’il espérait pouvoir refaire l’expérience bientôt, mais que la priorité était sur Odin qui devait trouver un boulot, et apprendre le russe. Cela me fit assez rire en coin, pour lancer une légère pique :
« Si je dois attendre qu’il soit capable de parler russe pour le rencontrer, vu la facilité qu’il a de te détourner l’attention, j’aurai le temps d’attraper une nouvelle ride. »
C’était là le genre d’humour « ridicule » dont j’étais capable, d’après les mots d’Arkadi, mon mentor détective privé, mort depuis les années quarante déjà. Le temps que j’attrape réellement des rides, j’aurai atteint un âge bien plus vénérable que celui que j’avais maintenant. Et c’était aussi une façon pour moi d’insister encore sur le fait qu’il semblait nous tenir à l’écart l’un de l’autre. Enfin, j’étais patient, donc je savais bien que je finirai par lui tomber dessus, un jour. Eventuellement.
Nous finîmes par regarder la totalité des photos de l’appareil, en effet, ils étaient allés dans de beaux coins. Les quelques anecdotes qu’il me raconta me donnèrent même encore plus la confirmation – si besoin il y avait, et en fait, non – qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. J’aimais cette pensée, de voir deux êtres qui s’aimaient autant se retrouver, de vraies âmes sœurs. J’avais aussi un « je te l’avais dit » qui pointait le bout de son nez, car en effet, je le lui avais dit qu’ils l’étaient. Il ne m’avait pas cru de prime abord, mais enfin, le temps avait fini par me donner raison. Et les Dieux savaient à quel point j’aimais avoir raison. Avec un sourire satisfait, j’avais fini par ébouriffer les cheveux du lycan, j’étais vraiment content de tout le chemin qu’il avait parcouru. Et dire qu’à peine quelques mois plus tôt il était une véritable loque ! J’étais même fier, de lui comme de moi – il ne fallait pas négliger mon apport dans sa guérison.
« Bien je suis content que tu sois dans de si bonnes ondes. C’est agréable. »
Ca me changeait un peu les idées, il fallait l’avouer. Avec Meleti qui était partout dans mon esprit, je parvenais désormais à y faire un peu de place pour le reste, pour Aleks, à vrai dire. Cela faisait au moins une personne pour qui je n’avais pas à m’inquiéter. 2981 12289 0